La prière liturgique, une nécessité fondamentale. L’épiclèse dans les liturgies orthodoxes des Saints Jean Chrysostome et Basile le Grand

Exposé : La prière liturgique, une nécessité fondamentale.
L’épiclèse dans les liturgies orthodoxes des Saints Jean Chrysostome et Basile le Grand



Hièromoine Joseph Pavlinciuc

Le monastère de Tézè
2 décembre 2017


1. Introduction
2. La problématique
3. L’origine du rituel
4. L’étymologie du mot « épiclèse »
5. Les prières clé de la Sainte Liturgie
6. La reconnaissance des péchés
7. L’épiclèse dans la Liturgie de Saint Jean Chrysostome et dans la Liturgie de Saint Basil le Grand
8. Les explications du père Alexandre Schmemann
9. La divine Liturgie comme l’acte créateur
10. Conclusion

Introduction

La prière liturgique est une nécessité fondamentale pour la vie ecclésiastique et plus largement pour toute la plénitude de la vie spirituelle. Les chrétiens, fidèles et clergé, se réunissent à chaque Liturgie pour rendre grâce au Seigneur, pour partager l’amour divin et pour communier au Précieux Corps et au Précieux Sang de notre Seigneur.

Le terme « liturgie » est composé de deux mots grecs signifiant « action du peuple » ou « action commune ». Λειτουργία / leitourgía, provient de l’adjectif λειτος / leïtos, « publique », dérivé de λεώς = λαός / laos, « peuple » et du nom commun ἐργον / ergon, « action, œuvre, service ». Il s’agit aussi de l’action de Dieu « pour » le Peuple et, enfin, une action de Dieu et du Peuple réuni au service du Salut du monde. Donc, la liturgie existe pour la gloire de Dieu et le Salut du monde.

Je vais insister sur la présentation spirituelle et pratique de la Divine Liturgie sans entrer dans les détails de l’explication historique, dogmatique et hymnographique.

La problématique

Une des questions cruciales qui s’impose dans cette présentation est consacré à l’essence centrale de la liturgie. Comment se développa-t-il le rituel ? Quel est le but de la Liturgie ? Pourquoi est-il nécessaire d’avoir une vaste préparation pour l’épiclèse ? Comment devrait-on comprendre le message central de la liturgie ?
Dans la liturgie nous collaborons avec le Seigneur dans l’acte mystique de la création. Par la participation à l’eucharistie la communauté devient l’église, le Corps mystique du Christ. La liturgie n’est pas seulement un souvenir du commandement du Christ, mais c’est aussi un contact avec l’éternité, une entrée dans la nouvelle réalité, celle « Règne du Père et du Fils et du Saint Esprit ».

L’origine du rituel

Toutes les formes et les modes de prière sont encadrées pendant la Divine Liturgie dans les rituels saisissants, frappants, captivants ainsi que dans leur aspect psychologique, émotionnel et culturel (littéraire et musical). Une grande partie des rituels ont été adoptés et transformés du culte judaïque, mais il y a des traces du monde païen et surtout grec. Le père Kakhaber Kurtanidze dans son article « Tragédie grecque, Théurgie, Eucharistie « la Naissance de l’Histoire » » insiste et explique comment la Liturgie orthodoxe fut influencée par la tragédie grecque dans tous ses aspects et toutes ses formes. « Les pères fondateurs du rite orthodoxe se sont servi des attributs du théâtre pour transmettre le message salvateur, pour impressionner et captiver la raison et l’imagination des personnes, rassemblées aux offices. La recherche dans ce domaine nous donne la possibilité de bien connaître la constitution, le développement et les particularités du culte orthodoxe ».

Ailleurs, il remarque : « Le rituel devient une activité d’investigation de la vérité : il manipule les objets et les gestes comme la science développe des théories dans le but de « vérifier » et comprendre activement la connaissance « externe ». Dans le cas de la liturgie, par exemple, le rituel investit et clarifie les dogmes de l’Eglise, la théorie politique de l’Eglise (i.e. monarque-épiscope-centrisme), et ainsi de suite. Le rituel devient une « source de connaissance ». Le « comportement » ritualiste organise le comportement social et les coutumes, ainsi que la foi. Ces deux aspects sont inséparables. En d’autres termes, le « comportement » ritualiste est également organisé par le « comportement social » et la foi ».

Père Georges Leroy, Québec, Canada, entre en polémique avec le père Kakhaber : « En ce qui concerne la Divine Liturgie, c’est la demande d’intervention de l’Esprit-Saint qui transforme radicalement ce qui, au départ, pourrait n’être qu’un mouvement de fraternité. Ce mouvement part de ce qui n’est qu’humain, pour parvenir en la communion avec la plénitude de la divinité : cela va de zéro à l’infini. C’est le meilleur exemple que nous puissions trouver d’une action faite avec le but d’acquérir les dons de l’Esprit-Saint. À ce moment-là, la démarche est totalement AUTRE que tout geste qui se limiterait à une amitié purement humaine. C’est pourquoi la Divine Liturgie n’est pas un spectacle : ce n’est pas une mise en scène accomplie pour plaire à des spectateurs, c’est-à-dire un acte humain fait pour d’autres humains. C’est un acte pleinement divino-humain, qui propulse l’humanité au sein même de la divinité. C’est donc un acte qui est dans son essence, pleinement liturgique, à l’opposé de ce qu’est un spectacle ».

Nous voyons une vaste amplitude du rituel orthodoxe dans tous ses aspects : théologique, historique, pratique. Exposant les aspects intérieurs et extérieurs de la prière liturgique, nous ne rentrerons pas dans les détails concernant l’origine de tels ou tels rituels, formes et aspects, de telles ou telles prières, chants ou mélodies, mais nous essayerons de comprendre le but essentiel de la Liturgie en l’analysant dans son intégrité. Pour cette raison, nous regarderons les textes de la Liturgie pour mieux voir leurs déroulements et leurs importances.

L’étymologie du mot « épiclèse »

Je vais présenter un des moments les plus importants dans nos prières pendant la Sainte et Divine Liturgie – l’invocation du Saint Esprit sur les Saints Dons (matériaux préparés) et sur l’assemblée. Ce moment de la Divine Liturgie, on l’appelle « épiclèse ». Donc, on peut dire que l’épiclèse c’est le noyau, le cœur de la Liturgie.
Le mot « ἐπίκλησις », « épiclèse » tire son origine de deux mots grecs ἐπί (« sur ») et καλἐω (« appeler »). Il s’agit donc, par un moyen ou un autre, d’invoquer quelqu’un ou quelque chose. Dans l’Antiquité, l’épiclèse était un épithète accolé au nom d’un dieu dans le but de préciser l’aspect sous lequel il était honoré : Athena Hygieia (protectrice de la santé), Dionysos Sukítês (protecteur des figuiers), Zeus Sôter (sauveur), etc. Les épiclèses étaient très nombreuses. Pour Apollon, par exemple, on en connaît une centaine.

Dans le christianisme et particulièrement dans l’orthodoxie par le mot « épiclèse » est nommée, comme cela fut indiqué plus haut, la prière d’invocation de l’Esprit Saint au moment de l’eucharistie. Par cette prière, le sacrificateur demande au Saint Esprit de sanctifier le pain et le vin, afin qu’ils deviennent les précieux Corps et Sang de notre Seigneur Jésus Christ.

On devrait noter que ce n’est pas seulement un moment de la Liturgie qui est important mais toute la liturgie est une préparation pour le moment de l’épiclèse.

Les prières clé de la Sainte Liturgie

Le commencement de la Liturgie est une invocation du Saint Esprit afin de célébrer dignement les choses sacrées. Le sacrificateur, ainsi que tout le clergé, commence la préparation pour la Divine Liturgie par ces prières : « Seigneur, étends ta main, du haut de ta saint demeure, et donne-moi la force de te servir à présent, afin que, sans reproche devant ton redoutable autel, je puisse accomplir le sacrifice non sanglant » et « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche proclamera ta louange ». Quand il y a plusieurs co-célébrants, le prêtre parle au pluriel. Dans cette prière le prêtre témoigne qu’on peut célébrer les mystères sacrés seulement par la grâce divine. Même s’il y a des textes préparés, s’il y a un ordo, le sacrificateur et l’assemblée entière ne peuvent accomplir dignement le rituel sans l’aide divine.

Maintenant, je vais présenter encore quelques exemples de prières prononcées par le prêtre, appelées généralement « prières secrètes » (prononcée à voix basse), pour montrer que dans toutes les prières le but principal est d’invoquer le Saint Esprit, de lui demander qu’Il nous rende digne du mystère de l’eucharistie.
Dans les prières de la Liturgie, on met en évidence l’aspiration et la requête de la communauté qui demande, par l’évêque ou le prêtre, le renouvellement du Saint Esprit. En voici quelques exemples :
La première prière des fidèles : « Nous que Tu as établis pour ce ministère, fais que nous puissions, par la puissance de ton Saint Esprit, T’invoquer en tout temps et en tout lieu, sans encourrir de reproche ni rencontrer d’obstacle, avec une conscience pure, et ainsi, exauçant nos prières, que Tu nous sois miséricordieux dans l’abondance de ta bonté ».

La prière après l’hymne des chérubins : « Seigneur Dieu tout-puissant, le seul Saint, qui reçoit le sacrifice de louange de ceux qui T’invoquent de tout leur cœur, reçois aussi de nous pécheurs cette supplication et porte la à ton saint autel ; et fais que nous puissions T’offrir des dons et des sacrifices spirituels pour nos propres péchés et pour les manquements du peuple. Et rends-nous dignes de trouver grâce devant Toi, pour que notre sacrifice Te soit agréable et que l’Esprit de ta grâce, en sa bonté, repose sur nous, sur ces dons et sur tout ton peuple » .
Nous voyons que le prière clé de la Saint Liturgie est le demande d’intervantion du Saint Esprit.

La reconnaissance des péchés

Nous savons que les Saints Dons sont donnés aux saints. En même temps, nous comprenons et nous savons que « Aucun de ceux qui sont liés par les désirs et les plaisirs de cette vie selon la chair n’est digne de venir à Dieu, de s’approcher de Lui ni de Le servir …, car Le servir est grand et redoutable même pour les puissances célestes ». Pour cette raison, nous demandons pardon de nos péchés et de nos transgressions. Avant d’entrer au sanctuaire, les prêtres, assistés par les diacres, prient : « Oublie, remets, purifie, pardonne, ô Dieu, toutes nos transgressions volontaires et involontaires, commises en paroles ou en actes, connues et ignorées, pardonne-les-nous, car tu es bon et ami des hommes ». Pendant qu’on fait l’encensement, avant le commencement de la Divine Liturgie, on lit le Psaume 50 : « Aie pitié de moi, ô Dieu, dans ta bonté, selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions… »

Avant de commencer l’épiclèse, dans la tradition de l’Eglise Russe et Roumaine, on utilise la prière de la tierce : « Seigneur, qui à la troisième heure as envoyé ton Esprit Saint sur les apôtres, ne le retire pas de nous, ô Plein de bonté, et renouvelle nos âmes, nous qui t’implorons ». Cette prière on la répète trois fois, le prêtre ayant les bras levés. Après la première invocation, le diacre dit : « Ô Dieu, crée en moi un cœur pur, renouvelle un esprit droit dans mes entrailles ». (Ps 50, 12) Après la deuxième invocation, il dit : « Ne me rejette pas loin de ta Face, ne me retire pas ton Esprit Saint ». (Ps 50, 13) Dans les versions de l’Eglise Roumaine après la troisième invocation, le diacre dit : « Gloire au Père, et au Fils, et au Saint Esprit… » et on commence l’épiclèse. Après chaque intervention du diacre, tous les célébrants s’inclinent. On devrait noter que dans la tradition de l’Eglise Russe, l’épiclèse est prononcée avant la prière de la tierce.
On actualise effectivement l’évènement de la Pentecôte : la glorieuse descente de l’Esprit du Père sur ceux qui croient en Jésus le Fils de Dieu – et, par eux, sur la création toute entière. C’est bien évident que dans cette préparation pour l’épiclèse le clergé et toute la communauté intercède auprès de Dieu pour la rémission des pèches et la renouvèlement de l’Esprit Saint.

L’épiclèse dans la Liturgie de Saint Jean Chrysostome et dans la Liturgie de Saint Basil le Grand
Dans tous les cas et dans toutes les traditions liturgiques locales, l’épiclèse reste et est considérée comme indispensable à la consécration des saints Dons. Une célébration sans épiclèse réduirait le sacrement eucharistique à l’œuvre du Christ, en oubliant la réalité de l’œuvre trinitaire manifestée par la venue de l’Esprit Saint.

Je vous propose maintenant une analyse et une étude des prières de l’épiclèse des deux liturgies qui sont célébrées le plus souvent dans la tradition de l’Orthodoxie : les liturgies, de Saint Jean Chrysostome et de Saint Basil le Grand. Commençons par la prière de l’épiclèse de la liturgie de Saint Basile le Grand.

Prière :
« C’est pourquoi, Maître très Saint, nous aussi pécheurs et tes indignes serviteurs, que tu as jugés dignes d’officier à ton Saint Autel, non pour nos bonnes œuvres, puisque nous n’avons rien fait de bon sur terre, mais à cause de ta pitié et des miséricordes que tu as abondamment répandues sur nous, nous avançons avec confiance vers ton saint autel, et, t’offrant le signe et la réalité du Saint Corps et du Sang de ton Christ, nous te prions, nous te supplions, ô Saint des Saints : plaise à ta bonté que vienne ton Esprit Saint sur nous et sur ces Dons ici offerts, qu’il les bénisse, les sanctifie et les manifeste – Ce Pain comme le vénérable et propre Corps de notre Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, Amen, et ce Calice comme le vénérable et propre Sang de notre Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, Amen, répandu pour la vie du monde. Amen. En les changeant par ton Esprit Saint ! Amen, Amen, Amen ».

Dans la liturgie du Saint Jean Chrysostome, l’épiclèse est plus courte:
« Nous t’offrons encore ce culte véritable et non sanglant et nous T’invoquons, nous Te prions et nous Te supplions : Envoie ton Esprit Saint sur nous et sur ces Dons que voici ». Après le prêtre supplie Dieu en bénissant le pain et en disant : « Fais ce pain Corps précieux de Ton Christ », puis le vin en disant : « Et de ce qui est dans ce calice le Sang précieux de Ton Christ » puis il dit : « En les changeant par ton Esprit Saint ! ». Ceux qui sont dans le sanctuaire et dans certaines paroisses, toute l’assemblée prie aussi en disant : « Amen ! Amen ! Amen ! »

Par cette prière, on témoigne que ce n’est pas une ouvre humaine, mais une accomplissement du Saint Esprit. Nous voyons bien que le sacrificateur reconnaît son état spirituel et prie le Saint Esprit de combler ses manques et celles de l’assemblée entière et de sanctifier les dons, non pas pour un mérite quelconque de l’homme, mais pour la miséricorde divine.

Nous avons présenté les textes de ces prières et nous avons médité sur leur importance.

Voici quelques explications pratiques concernant les fidèles. Pendant que le clergé prie, ceux qui le souhaitent sont agenouillés, la tête inclinée, mais ils devront tous être silencieux, attentifs et concentrés sur les paroles chantées et prononcées par le prêtre. Chacun supplie le Seigneur de changer les Saints Dons en le Corps et le Sang du Christ. Nous prions pour que l’Esprit Saint ne s’éloigne pas à cause de nos péchés et nous remercions le Seigneur de nous accorder d’être présents dans ce mystère.

Les explications du père Alexandre Schmemann

Le père Alexandre Schmemann dans son livre « L’Eucharistie, sacrement du Royaume », parlant de plusieurs parties de la Divine Liturgie, nomme le moment de l’épiclèse « le sacrement du Saint-Esprit ». Il souligne que « l’anaphore est conclue par l’épiclèse, c’est-à-dire par la demande pour que Dieu manifeste le Saint Esprit, qu’il fasse en sorte que le pain et le vin de notre offrande soient le Corps et le Sang du Christ, et qu’il nous rende dignes d’y communier » . En même temps, il insiste sur le caractère holistique de la divine Liturgie. Le Père Schmemann affirme que cette vérité fut évidente pour les Saints Pères de l’Eglise, ainsi que pour toute l’Eglise dès sa naissance, malgré les idées et les explications erronées qui ont infiltré la théologie occidentale et orientale. « Chaque membre savait que depuis le début, quand le diacre déclarait « le temps est venu d’agir pour le Seigneur », jusqu’au terme de la Liturgie : « Sortons en paix ! », il participait à une seule œuvre commune, à une même réalité sacrée, en s’identifiant entièrement à ce que l’Eglise manifestait et donnait dans sa montée vers la Cène céleste du Royaume ».

Bien sûr cella n’exclus pas le moment culminant de la Divine Liturgie, le moment de l’épiclèse, mais insiste sur l’important de l’office tout entier.

Je vous propose de regarder brièvement la partie finale de la Liturgie, car elle contient une conclusion logique de la prière liturgique. Comme tous les offices, la Divine Liturgie finit par le remerciement à Dieu et la bénédiction des fidèles. Le prêtre, bénissant le peuple, s’exclame : « Ô Dieu, sauve ton peuple et bénis ton héritage ! » Puis il encense trois fois l’autel en disant : « Sois exalté, ô Dieu, au-dessus des cieux et que ta gloire resplendisse sur toute la terre ». Il fait avec le calice le signe de la Croix sur l’antimension, disant à voix basse « Béni soit notre Dieu, en tout temps ». Après il se retourne vers l’assemblée et dit à haute voix : « Maintenant et toujours et dans les siècles des siècles », en faisant le signe de la Croix avec le Calice. Le peuple répond : « Amen. Nous avons vu la vraie lumière, nous avons reçu l’Esprit Céleste, nous avons trouvé la foi véritable. Adorons l’indivisible Trinité, car c’est elle qui nous a sauvés ». Le calice est porté de l’autel à la table de préparation. Une brève litanie, une courte action de grâce est prononcée, car « aujourd’hui encore, Tu nous as rendus dignes de tes célestes et immortels Mystères. Rends droite notre voie, confirme-nous dans ta crainte, garde notre vie, affermis nos pas… ». Puis : « Sortons en paix ! » Le prêtre, sortant du sanctuaire par les portes royales et se plaçant au milieu de l’église devant l’ambon, lit la prière « Toi qui bénis ceux qui te bénissent… », le chœur chante « Que le nom du Seigneur soit bénis dès maintenant et à jamais » (3 fois) et on arrive à la bénédiction finale.

Ainsi s’achève la Divine Liturgie, en donnant et en partageant avec les célébrants et les participants la paix et la charité.

La divine Liturgie comme l’acte créateur

Dans ce contexte il convient de souligner le rapport de la prière liturgique avec le temps et l’espace. L’eucharistie, c’est un acte créateur. C’est une participation à la création nouvelle qui se réalise dans ce mystère. Saint Basil le Grand explique cela dans l’Anaphore : « Mais lorsque vint la plénitude des temps, tu nous as parlé par ton propre Fils, par qui aussi tu as fait l’univers. Lui qui est la splendeur de ta gloire et l’empreinte de ta Personne, lui qui porte toute chose par sa parole puissante, il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à toi, Dieu et Père, mais lui, le Dieu d’avant les siècles, il est apparu sur terre, il a vécu parmi les hommes » . Saint Jean Chrysostome par des autres termes souligne cela : « C’est toi qui nous menas du non-être à l’existence, toi qui, après la chute, nous as relevés et qui sans cesse mets tout en œuvre pour nous élever jusqu’au ciel » . C’es-à-dire, nous sommes rénové, rétabli, recréé par la grâce divine, chaque fois quand nous nous approchons du mystère sacré. Le Christ se donne à chaque personne qui Le reçu avec foi et amour. « Et que nous tous, qui participons à ce seul pain et à cet unique calice, Il nous unisse dans la communion d’un seul Esprit Saint » – continue la prière. Nous sommes conscients qu’aucune création ne peut être réalisée que par le Saint Esprit, c’est pourquoi dans les prières de l’épiclèse nous l’invoquant avec ferveur.

La Liturgie nous arrache au temps dans sa circularité, afin de nous introduire dans une réalitée autre. Le père Alexandre Schmemann explique très bien cette métamorphose : « La Liturgie est célébrée sur terre, c’est-à-dire dans le temps et l’espace de « ce monde ». Cependant, tout en étant célébrée, là, elle est accomplie au ciel, dans le temps nouveau de la créature nouvelle, celui de l’Esprit Saint. La question du temps est d’une énorme importance pour l’Eglise. Contrairement à un spiritualisme fort répandu, qui refuse le temps, qui cherche à y échapper et qui l’identifie avec le mal, pour les chrétiens, le temps, comme toute chose créée, est de Dieu. Depuis les premiers mots de la Genèse : “Au commencement Dieu créa le ciel et la terre”, jusqu’aux paroles de saint Paul : “Quand est venu le plérôme (la plénitude) du temps” (Gal. IV, 4) et, enfin, jusqu’à la déclaration de l’Evangile de saint Jean : “Le temps vient et il est déjà venu” (Jn. V, 25), ce n’est pas hors, mais dans le temps et par rapport au temps qu’a résonné et que retentit toujours l’affirmation divine : “Et Dieu vit que c’était bon !” » . Ainsi, la Liturgie est une continuation de la création, c’est une réalité du nouveau temps.

Conclusion

En guise de conclusion, on peut dire que la Liturgie est un don céleste pour l’homme terrestre. « C’est dans ce monde tombé que le Christ s’est incarné pour y annoncer l’approche du Royaume de Dieu, la délivrance du péché et de la mort, “le commencement d’une autre vie, éternelle”. Et non seulement le Christ l’a annoncé, mais par sa passion volontaire, par sa croix et par sa résurrection, il a remporté cette victoire en lui-même et il nous en a fait don » .

En acceptant ce don, on est invité à le partager et à le garder dans le cœur par la pureté et par la sainteté, comme l’a fait Marie, Mère de Dieu : « Sa mère gardait toutes ces choses dans son cœur » (Lc. 2 :51).
C’est le Saint Esprit qui manifeste en nous l’ouvre salvatrice du Christ dont la Liturgie est l’actualisation pour chaque fidèles et pour toute la communauté. Concentrée sur l’invocation de l’Esprit l’Epiclèse constitue un moment concentré de prière. Manifestant le Christ dans le monde, l’Esprit nous ouvre l’amour du Père. La Saint Liturgie est en cela signe et présence du Royaume du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Je vous remercie pour votre attention. De même je voudrais remercier les initiateurs de ce colloque pour leur travail d’organisation et les frères du monastère pour leur accueil. Si vous avez des questions, des suggestions et des réflexions n’hésitez pas à les poser et à les partager. J’espère qu’on aura la possibilité de publier les textes présentés aujourd’hui et que nos rencontres continueront.

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