Le sujet de ma présentation d’aujourd’hui est les canonisations dans l’Eglise Orthodoxe.
Que-est-ce que la canonisation ?
La canonisation est un processus établi par l’Église catholique et l’Église orthodoxe, conduisant à la reconnaissance officielle d’une personne comme ‘sainte’, et proposée alors comme modèle exemplaire de vie chrétienne. Le mot latin Canonizatio signifie prendre en règle générale. Donc, c’est ce qui nous avons déjà souligné dans la première phrase. Après cette procédure le saint ou la sainte reçoit une place dans le calendrier liturgique de l’Église, date à laquelle il est liturgiquement commémoré et invoqué et on commence à composer des hymnes et des chants à son honneur.
Je pense que nous pouvons diviser aujourd’hui la présentation et parler, en première partie, du processus de canonisation, de l’ordo, des règles nécessaires, ainsi que du service liturgique (cérémonie) de la canonisation et, en seconde partie, j’aimerais discuter de la Sainteté comme critère essentielle pour la canonisation ou la sainteté comme une surprise.
Je n’entrerai pas en détail concernant l’histoire de la canonisation, mais on devrait connaître qu’aux premiers temps de l’Église, tous les fidèles qui menaient une vie pure et témoignaient sa foi devenaient dignes de vénération posthume, tels les martyrs, puis les confesseurs de la foi, évêques, empereurs, etc. Jusqu’au Xème siècle, il n’existe pas dans l’Église Orthodoxe et ni Catholique romaine de procédure centralisée pour déclarer une personne sainte. Le plus souvent, c’est la vox populi qui déclare la sainteté ; l’évêque du lieu le confirme par des cérémonies solennelles.
Cette pratique de l’Eglise ancienne demeura sans changements majeurs dans l’Eglise byzantine : la reconnaissance d’un saint par l’acte officiel d’un concile ou d’un synode ne faisait, dans la plupart des cas, qu’octroyer un caractère plus général à une vénération locale préexistante (saint Grégoire Palamas, par exemple, fut reconnu comme saint immédiatement après sa mort, à Thessalonique, au Mont Athos et à Constantinople, sans aucun acte officiel. Ce n’est que huit ans plus tard que le patriarche oecuménique fit solennellement proclamer sa sainteté). Après la disparition de l’Empire byzantin, la canonisation des saints dans les différentes Eglises orthodoxes locales garda largement les traits de simplicité et de décentralisation qu’elle avait auparavant. Malgré une procédure aussi élémentaire, les canonisations ne se multiplièrent guère dans les patriarcats orientaux durant les siècles de domination arabe et turque, non seulement en raison d’une « sensibilité et rigueur de Jugement » et d’une « grande attention (de ceux-ci)’ afin d’éviter tout arbitraire ou témoignage erroné » , mais aussi parce qu’il était impossible de proclamer ouvertement la sainteté des néo-martyrs du Joug musulman, qui jouissaient d’honneur et cependant de la vénération des fidèles en secret.
Une procédure de canonisation plus ou moins bureaucratique se développa sur l’influence de l’Eglise catholique, où il y avait un processus très clair, très juridique et scolastique à partir du Xème-XIème siècles. Cela se produit ainsi : « après enquête du tribunal diocésain, la Sacrée Congrégation des Rites, auprès du Vatican, examine les écrits, paroles et actes du postulant, s’informe de sa réputation de sainteté, de ses vertus, de ses miracles. Si ce premier procès, dit procès apostolique est favorable, la Congrégation propose l’introduction de la cause au pape, qui l’accepte en signant un « bref ». Un procès de non-culte est ensuite ouvert, puis il est suivi d’un procès sur l’héroïcité des vertus du postulant, qui est réexaminé par la Sacrée Congrégation » . En suite, si toutes ces conditions et étapes sont favorables, la personne proposée est proclamée sainte.
Aujourd’hui dans la majorité des Eglise Orthodoxe la canonisation d’un saint devrait avoir des critères qu’on retient généralement (l’exploit spirituel du saint, les miracles accomplis par son intercession, l’état de son corps post mortem et la vénération populaire). Mais en réalité, certains saints ont été canonisés en l’absence de l’un ou l’autre de ces éléments, mais il est arrivé aussi que, pour des raisons particulières, l’Eglise orthodoxe dé-canonise puis ré-canonise un saint. (Il y avait plusieurs personnes qui ont été dé-canonisées pendant les années 1990-2000. Ce processus concerne les nouveaux martyres. Dans les archives, on a trouvé des documents témoignant que la tel ou tel personnes déjà canonisées collaboraient avec les organes répresseurs, finalement, eux aussi devinrent victime de la système répressive).
Mais, comment ce processus marche dans la pratique ? Pour exemple dans l’Eglise Orthodoxe Russe, il y a une Commission Synodal pour la canonisation des Saints créée en 1989, immédiatement après la célébration du millénaire du baptême de la Russie Kiévienne. Chaque diocèse peut présenter à la Commission des postulants pour la canonisation. Les membres de la Commission font une recherche concernant la vie, les miracles, le renom, etc. Si toutes ces conditions sont positives le Saint Synode proclame la dignité de la personne pour la canonisation ou la reconnaissance officielle. Le processus se déroule ainsi :
a) La reconnaissance ou canonisation proprement dit se fait soit dans le diocèse ou le saint a vécu, soit au siège de l ’Eglise-mère, et la proclamation solennelle se déroule sur le lieu d’inhumation, (éventuellement après translation) ou dans la capitale ecclésiastique.
b) La cérémonie est présidée par un évêque, souvent, le primat de l’Eglise à laquelle le saint appartenait, entouré d’autres évêques de la même Juridiction ou non.
c) Après éventuellement un office pour les défunts, la lecture publique de l’acte de canonisation et le dévoilement de l’icône du nouveau saint, la célébration consiste en un service de vigiles en son honneur, suivi d’une Liturgie eucharistique, et d’une procession\ostention de reliques lorsqu’elles sont disponibles. Il peut aussi y avoir d’autres formes de vénération (molében, acathiste, cantiques de louanges (velitchaniye, marimute).
d) Une date est fixée pour la commémoration annuelle du saint nouvellement proclamé. Sa vie, ses offices et ses icônes sont diffusés dans l’Eglise.
Voici une explication particulière pour l’office de la canonisation (la cérémonie) :
Au début de la sainte Liturgie, les reliques du/de la saint/e sont mis au milieu de l’église comme pendant le service funèbre. La liturgie solennelle, épiscopale, se déroule habituellement jusqu’au moment de l’entrée de l’Evangile. Le diacre proclame : Sagesse ! Tenons-nous débout, et à ce moment-là, seulement le Primat (chef de l’office) avec l’archidiacre se déplacent pour l’encensement de l’autel pendant que le chœur chante « Venez-adorons… » et « εἰς πολλὰ ἔτη, Δέσποτα ».
A la fin de l’encensement, le Primat retourne à sa place au milieu de l’Eglise et on commence immédiatement litie pour le postulant : (« Avec les esprits de justes…, Dieu Sauveur, fais reposer l’âme de ton serviteur/servante », la litanie, l’ecphonèse et « Accorde, Seigneur, le sommeil bienheureux, le repos éternel, à ton/ta serviteur/e défunt/e N. et fais qu’il/elle jouisse de mémoire éternelle », « Mémoire éternelle (3 fois) ». Après on procède à la lecture de la décision du Saint Synode concernant la canonisation ou Tomos de la canonisation et la Vie du Saint/e. Pendant qu’on lit les textes, on apporte l’icône du nouveau saint/e au milieu de l’église. Le choeur commence à chanter le tropaire, « Gloire et Maintenant », kondakion et le cantique de louange. Concomitant le Primat élève l’icône et forme avec elle le signe de la croix, en signant les fidèles. Pendant qu’on chante le cantique de louange, le clergé vénère les reliques. Le diacre prend la bénédiction pour le chant du Trois-fois-saint, ajoute à haute voix : « Prions le Seigneur », le chœur : « Kyrie eleison » et le célébrant : « Car tu es saint, ô notre Dieu… ». Puis la liturgie continue.
Pour la deuxième partie de ma présentation j’ai été inspiré par le professeur de théologie orthodoxe de l’Université d’Athènes, Athanassiuo Papathanasiou.
La sainteté comme une surprise
Introduction
Il y a une étrange dialectique dans la vie Chrétienne. C’est la dialectique entre la confiance et la surprise. Faire confiance à Dieu et accepter sa Bonne Nouvelle sonne comme la fin d’un voyage, comme l’arrivée, dans le royaume de Dieu. En même temps, cette relation avec le Dieu vivant signifie également tout à fait le contraire: embarquement pour un voyage vers des terres et des océans invisibles. Ce n’est pas par hasard que chaque fois que le Christ a parlé de son Royaume, il a promis des surprises. Donc, le chrétien est celui qui reconnaît le Christ comme le Seigneur des surprises. L’avenir n’est pas un allongement du temps présent, mais une nouvelle création, une véritable transfiguration, c’est à dire, l’émergence de ce qui n’a jamais existé avant.
La sainteté est l’état existentiel de l’être humain quand il a vraiment répondu à l’invitation de Dieu pour un voyage infini et surprenant. Le théologien Orthodoxe roumain, le père Dumitru Staniloae, a bien défini la sainteté comme un paradoxe. « Le Saint Dieu Se révèle Lui-même comme transcendant, comme différent du monde. La sainteté est le mystère lumineux et actif de Dieu présent dans toute Sa transcendance (…). D’où le caractère paradoxal de la sainteté: c’est en même temps, la transcendance et la révélation de soi, ou la communication » .
Ce que le père Staniloae souligne ici, est le fait que le saint devient une théophanie (une manifestation divine). Le mystère du Dieu infini est révélé à travers la vie de l’être limité. C’est vraiment étonnant! Mais ce n’est pas la seule chose surprenante dans la révélation de Dieu. On devrait attirer l’attention sur les expressions d’un autre théologien orthodoxe, l’archimandrite, Justin Popovic, un saint récent, canonisé en 2010, par l’Eglise Orthodoxe Serbe : « C’est une Bonne Nouvelle, absolument vraie Bonne Nouvelle, ce n’est pas le mien, mais la Bonne Nouvelle des saints de Dieu – que l’être humain est un grand mystère, un mystère sacré de Dieu. Il est si grand et si sacré, que Dieu lui-même s’est fait homme, afin de nous expliquer toute la profondeur du mystère humain » .
Qu’est ce que font ces deux références ? Quel-est la rencontre avec Dieu dans ce voyage de mystère en mystère, de surprise en surprise! Si Dieu est un mystère, sa propre image est un mystère! Je vais essayer de développer ces mystères en se référant à cinq dimensions de sainteté, cinq surprises:
– La surprise du voyage;
– La surprise de la souffrance;
– La surprise de la création du monde nouveau;
– La surprise de la libération;
– La surprise de l’anti-superman.
1. La surprise du voyage
Les gens considèrent le guerrier Ulysse (Odysseus) comme un voyageur excellent; le voyageur qui s’ouvre lui-même à la rencontre des inconnus . Cependant, si nous faisons attention à son histoire, nous pouvons arriver à une conclusion différente: le cœur des voyages d’Ulysse, sa découverte de nouveaux lieux et son contact avec l’altérité (avec l’autre) ont provoqué son retour à l’endroit où il avait commencé son parcours, c’est-à-dire dans sa patrie. C’est la raison, pour laquelle, Pénélope, sa bien-aimée, l’attendit à la maison. Ulysse est prisonnier du naturalisme. Il ne peut pas rêver d’un avenir radicalement différent de ce que l’évolution naturelle peut lui apporter. Le monde dans lequel Ulysse se déplace demeure éternellement dans l’état primordial. Et c’est pourquoi son épopée, l’Odyssée, culmine dans le triomphe du retour et dans le triomphe des dieux de la tribu.
Pourtant, il y a une autre figure qui est humble et insignifiante en comparaison avec le guerrier Ulysse. Une figure qui représente une conception radicalement différente du voyage. C’est Abraham. Dans son voyage, il n’y a pas de perspective de retour. Abraham abandonne sa maison pour toujours. C’est pourquoi il se rend avec sa femme Sarah dans un pays inconnu. Abraham s’ouvre à ce qui n’a pas encore existé. Il s’ouvre lui-même à l’avenir.
Dans le cas d’Abraham, la rencontre avec l’autre ce n’est pas seulement une étape insignifiante. Mais, c’est le cœur lui-même du voyage. Abraham se déplace dans le monde de l’autre, et en plus il devient lui-même l’autre. Il devient un étranger, et accepte Dieu qui lui apparaît à un moment très précis (particulier), sous le chêne de Mambré, très bien illustré par André Roublev, un moine iconographe, canonisé par l’Eglise Russe en 1988 : le moment où il montre sa solidarité avec les étrangers qui se trouvent dans le besoin. Abraham est orienté vers la surprise, et pour cette raison, son histoire ne s’arrête pas avec l’histoire de sa famille. C’est toujours l’histoire du monde et des nations, dont Abraham est devenu le père.
Comme cela est bien connu, les chercheurs modernes tels que Emmanuel Levinas ont souligné le voyage d’Abraham comme une métaphore de l’intervention dans le monde de l’Autre – comme un modèle pour une véritable ouverture, où le sujet cesse d’exister. La sainteté, comme la bonne volonté/la disponibilité de ce voyage, est basée sur le fait que Dieu lui-même se déplace dans le monde de l’Autre.
La syntaxe biblique ne cesse pas de nous surprendre. Le moment où Dieu se définit lui-même comme « celui qui est et qui a été », le lecteur s’attend à entendre que Dieu est aussi « celui qui sera ». Pourtant, le texte biblique dit: « celui qui est, qui était, et qui vient » (Ap 1:4)!
Le Chrétien est celui qui est en attente, mais cette attente n’est pas une inertie. Le chrétien en attente est un voyageur qui voyage avec son Dieu, Qui n’est pas seulement Celui qui vient, mais aussi Celui qui marche. « Allez, faites de toutes les nations des disciples… Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Matt. 28: 19-20).
2. La Surprise de la Souffrance
L’homme saint, souffrant, malade, qui n’est pas encore guéri est une surprise. Comment un ami de Dieu, quelqu’un qui guérit souvent d’autres, reste faible, malade et meurt dans la souffrance? La souffrance est un scandale pour ceux qui ont été charmés par l’Évangile et qui prêche la santé, le bien-être. La société contemporaine n’est pas prête à discerner l’absurde et l’importance de la souffrance ; la souffrance est toujours considérée comme une menace. Alors, les gens détournent (contournent) le mystère de la souffrance pour le bien de l’amour et donc réagissant comme ça, ils contournent la douleur d’une nouvelle naissance; la souffrance d’auto-sortir de notre coquille et l’ouverture pour accueillir l’Autre.
Cette souffrance est la participation à la souffrance du Christ, mais ce n’est pas seulement l’empathie de la souffrance du Christ sur la croix, il y a près de deux mille ans. C’est aussi la participation à Sa souffrance, maintenant.
Ici, il y a encore un autre paradoxe. Le Christ ressuscité est toujours le Christ souffrant, qui participe à la souffrance (la peine) de chaque personne souffrante, tant que l’histoire dure. Saint Maxime le Confesseur a souligné cette vérité dix siècles avant que Blaise Pascal dise que le Christ souffrira jusqu’à la fin du monde.
La souffrance du saint est la vie du saint en relation avec Dieu, basé sur l’amour véritable et elle ne se développe pas pour les profits tels que la santé, le bien-être, etc. Les biens sont bons pour notre vie, mais ils peuvent dégénérer (se transformer) en idoles s’ils sont compris dans le sens de la vie, et ils peuvent se mettre entre nous et Dieu, ou même ils peuvent remplacer Dieu. La libération ultime de ces genres d’idolâtrie en faveur de l’amour désintéressé est représentée par le paradoxe où les saints sont entièrement privés (ôtés) de ces biens. Nous avons beaucoup d’exemples : Moïse, qui, finalement, n’entrera pas dans la Terre Promise, Saint-Paul, qui restera non guéri, le starets Pophyrius Bairaktaris (Grèce, 1906-1991), qui mourut dans la souffrance …
Je me rappelle des paroles du starets Porphyrius:
« Les âmes qui ont connu la douleur et la souffrance, et qui ont été tourmentées par leurs passions reçoivent, plus particulièrement, l’amour et la grâce de Dieu. Il y a des âmes telles que celles-ci deviennent saintes, et très souvent nous portons un jugement sur elles. (…) Nous les voyons comme des faibles, mais quand elles se sont ouvertes à Dieu, elles deviennent amour et flamme divine. (…) C’est la façon dont le miracle de Dieu œuvre dans de telles âmes, que nous considérons comme « perdues » » .
C’est la grande surprise de la sainteté cachée!
3. La Surprise de la Création du Monde nouveau
L’amour est un mot un peu usé aujourd’hui, il est utilisé partout assez négligemment, assez mal placé qu’il devient la plupart du temps comme un synonyme de « plaisir » ou de « préférence ». En d’autres termes, l’amour tel qu’il est enseigné dans la parole et dans l’action par le Christ, c’est à dire, l’amour sacrificiel, est souvent contourné comme quelque chose d’absurde et de déraisonnable. L’amour sacrificiel ne provient pas de l’ordre naturel. L ‘ « harmonie » de l’ordre naturel est basé sur la puissance, sur la domination du ce qu’est plus fort. Bien sûr, ainsi comme les sociétés humaines grandissent dans la sagesse, elles progressent aussi dans la tolérance de l’Autre. Mais la tolérance n’est pas la même chose que l’amour! Elle peut signifier simplement l’autonomie et ferme l’entité individuelle.
En dehors de cet accent mit sur la puissance, beaucoup de gens qui ne partagent pas la foi Chrétienne acceptent l’amour comme la valeur suprême de la vie. Ici il y a un autre problème qui émerge. Un saint est une manifestation vivante du fait que, si l’amour est vraiment important, il ne peut pas être seulement un sentiment ou un des nombreux éléments de l’existence humaine. Si l’amour est simplement un sentiment humain, alors il mourra quand l’homme meurt, de la même manière que les yeux, le cœur, les pieds, et chaque élément constitutif de la mort d’une personne. Si nous avons vraiment accepté l’amour comme le principe de la vie, l’amour posséde deux choses en même temps : personnelle et immortelle. L’amour devrait être une communion infinie entre les personnes et aussi avec Dieu, ou plus précisément avec le Dieu Trinitaire.
L’ordre naturel demande des représailles et de la vengeance. Nous voulons riposter, retourner le coup, et cela semble raisonnable. Mais dans cette direction, le mal (par exemple, la violence) se reproduit et se multiplie. La chaîne fataliste d’actes répréhensibles/regrettable peut être arrêtée seulement par le pardon et la réconciliation. Le pardon est une puissance créatrice qui reprend l’histoire du début, l’histoire libérée des liens du passé. C’est l’expérience séculaire de l’Eglise, et c’est plutôt impressionnant que cette expérience a attiré l’attention d’un philosophe moderne, Jacques Derrida, qui justement a souligné un des points central : « Le pardon est la folie, et […] doit rester une folie de l’impossible […]. Mais en même temps, c’est la seule chose qui gagne. Quelle surprise, c’est comme une révolution, le cours normal de l’histoire, de la politique, du droit se restitue » .
4. La Surprise de la Libération
Le pardon et la réconciliation, cependant, ne sont pas des relations publiques; ils ne sont pas des trucs de la diplomatie. Ils sont, plutôt, complètement différents car ils tentent de transformer la vie humaine. Ainsi, la réconciliation est indissociablement liée à la libération. Si la réconciliation est séparée de la libération, elle devient un compromis avec l’ancien monde et un compromis avec la domination de la mort.
La sainteté transforme (change, amène) notre monde dans une autre réalité, à tous les niveaux (personnel, spirituel, social) – ce n’est pas une réalité ésotérique, du type new-age. La sainteté est bien loin de l’éthique bourgeoise; elle comporte une critique de l’injustice sociale et secoue son statut-quo. Permettez-moi de mentionner quelques exemples: Abba Makarios d’Alexandrie a décidé de commettre un mensonge, de sorte qu’il puisse soigner les incurables, d’Alexandrie. Il a pris l’argent d’une femme riche et avare lui donnant la promesse qu’il allait lui acheter des pierres précieuses à un prix bas et insignifiant. Cependant, il a donné l’argent pour le traitement des patients. De même, Jean le Miséricordieux, le Patriarche d’Alexandrie, a déclaré que ce ne serait pas une faute si quelqu’un trouvait le moyen de priver les riches de leurs vêtements afin de les distribuer aux plus démunis/pauvres. De même, le Saint Akakios, l’évêque d’Amida, au début du 5ème siècle, a commis un sacrilège quand il a vendu les précieux vases sacrés des églises, afin de nourrir sept mille soldats persans, prisonniers de guerre, les ennemis de l’empire Byzantin et, donc, antichrétiens. Rappelez-vous que les “clergés” qui ont contournés l’homme blessé dans la parabole du Bon Samaritain, en raison de leur dévouement à leurs tâches liturgiques. Ils ont annulé la solidarité pour l’amour du ritualisme .
5. La Surprise de l’Anti-Superman. Conclusion.
Parfois, nous produisons des récits hagiographiques triomphalistes où les saints apparaissent comme des Super Hommes ou des Super Femmes, c’est à dire, comme quelqu’un au-delà de la faiblesse, des ambitions, des doutes et des défauts. Mais si c’est le cas, alors le saint ne serait pas la réponse de l’homme à Dieu; il serait une autre espèce (type), qui dirige son propre chemin. L’approche triomphaliste de la sainteté ne peut pas être trouvé dans les Evangiles et dans la conscience des saints. Le saint est celui qui ne cesse de lutter et est prêt à se repentir. Depuis, qu’il éprouve Dieu comme une personne vivante, il attend Sa miséricorde et met toute sa confiance dans son amour. Le saint ne remplace pas Dieu vivant avec n’importe quel système de vertus ou de principes. Dans le Nouveau Testament, nous voyons non seulement les défaillances (les faibles) des saints disciples du Christ avant la Pentecôte, mais aussi le débat entre Saint Paul et Saint Pierre. C’est important de remarquer que c’était un débat dans l’amour et pour la vérité. L’amour fleurit dans une incroyable variété de dons, des actes et des positions et c’est un défi (un appel) à ceux qui s’empressent à commencer leur voyage vers les terres invisibles et les océans merveilleux de Dieu.
Hiéromoine Joseph (Pavlinciuc)